Lorsqu’au bout de la énième
poussée de violence entre les deux clowns amoureux (amoureux
? vraiment ? dingues et possessifs jusqu’à la folie,
plutôt), l’un d’eux, avec un regard triste à
se flinguer, se balade dans les rues avec en fond sonore, "je
l’aime à mourir" de Cabrel, en espagnol, l’éclat
de rire est général dans la salle…
On est là au point culminant du grotesque, du ridicule qui
peut tuer, de l’outrance stupide… Et pourtant, à
d’autres moments, il y a une vraie inventivité, certes
pas vraiment légère, mais presque plaisante, un aspect
baroque dans l’exagération, quelque chose qui ressemblerait
à la transposition sur écran d’une bande dessinée
d’Adamov (les eaux de Mortelune). Avec une ambiance de déchéance
superbe, une musique tonitruante, des maquillages monstrueux, des
sentiments exacerbés, c’est un déluge de couleurs,
de mouvements de caméras survoltés, de violence malsaine
et gratuite… Mais toute cette démesure n’est finalement
qu’au service de la forme, le fond de l’histoire étant
bien décevant : à première vue, on pourrait penser
à du Hugo, puis on penche vers du Eugène Sue, pour se
retrouver en fin de compte dans une très mauvaise littérature
de gare, alignant les poncifs sur le cirque, les rivalités
amoureuses, les femmes fatales et la tristesse des clowns.
Alex de la Iglesia se prend de plus en plus au sérieux et après
le déjanté "Crime farpait", drôle et
acide, puis l’ennuyeux et prétentieux "Crimes à
Oxford", cette triste balade, qu’on aurait pu appeler "crime
au cirque", éloigne le réalisateur de toute fantaisie
et l’enfonce dans une lourde artillerie d’effets qui restent
vains malgré leur énormité.