Gilles Marchand aime les univers
mystérieux, les situations ambiguës, les personnages pervers…
Dans "Qui a tué Bambi ?", il y avait déjà
la volonté de montrer une réalité et son apparence
rassurante troublée par des instants à l’atmosphère
frôlant le fantastique, des personnages aux attitudes déviantes,
inquiétantes. Travaillant souvent avec Dominik Moll (il est
ici co-scénariste) qui lui aussi se délecte d’ambiances
mystérieuses surgissant d’un réel très
terre-à-terre, ses productions ont une véritable unité
de ton, autant à la réalisation qu’à l’écriture.
Dans cet "autre monde", il se plaît à brouiller
les pistes, les sources d’interrogations et d’ambiguïté
se trouvant autant dans l’univers du jeu en réseau sur
internet que dans les relations entre les personnages. Le scénario
se tient, ce qui se passe dans les deux "mondes" tient le
spectateur en haleine et malgré quelques ficelles un peu voyantes
et prévisibles (le frère trop louche, la jeune fille
trop pure…), on se laisse mener, on peut même sentir quelques
légers frissons.
Mais certaines scènes, certaines images montrant les deux femmes
(Pauline Etienne presque autant que Louise Bourgoin), en se voulant
sensuelles, versent dans le voyeurisme et dans la complaisance un
peu malsaine. Du coup, le personnage de Louise Bourgoin n’a
pas autant d’aura qu’il devrait. Sa première apparition,
encapuchonnée, hautaine, a bien plus de classe, de mystère
et de faculté de fascination que lorsqu’elle se glisse
nue dans la piscine. L’attirance du jeune homme pour elle en
devient banale, elle n’est absolument pas inaccessible, comme
il est dit sur l’affiche…
De plus, Gilles Marchand multiplie les références, certes
prestigieuses et fascinantes, mais elles finissent par faire perdre
son originalité au film. Les défis en voitures hurlantes
dans la nuit copient "la fureur de vivre" ; les personnages
doubles et évoluant avec lenteur, la chanteuse de l’autre
monde et les spectateurs qui l’applaudissent sont des clones
de ceux de "Mulholland drive" ; enfin, l’ambiance
de la boîte "heaven" fait furieusement penser à
"Eyes wide shut"… Les ressemblances sont tellement
flagrantes qu’elles en deviennent gênantes.
Au final, l’ensemble n’est pas désagréable,
mais tout de même décevant au regard du potentiel de
départ.