Au-delà des collines **

Cristian Mungiu

L'histoire

Alina revient d'Allemagne pour y emmener Voichita, la seule personne qu'elle ait jamais aimée et qui l'ait jamais aimée. Mais Voichita a rencontré Dieu et en amour, il est bien difficile d'avoir Dieu comme rival.

Avec

Cosmina Stratan, Cristina Flutur, Valeriu Andriuta, Dana Tapalaga

Sorti

le 21 novembre 2012

La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

La foi ou l'Amour

 

Le sujet est bien éloigné (quoique) du très impressionnant "4 mois 3 semaines 2 jours" qui avait valu la palme d'or à son auteur, mais une nouvelle fois, il s'agit d'un duo féminin aux prises avec la folie des hommes. Ici, tout se passe derrière la colline, dans un couvent d'apparence paisible où l'on vit dans le dénuement et à l'écoute de la parole de Dieu, ou plutôt celle d'un fou de Dieu, sans doute sincère dans sa foi mais qui impose un ordre absurde, sous le prétexte de laisser le divin "entrer dans son cœur"…
Les sœurs, cloîtrées, voilées, empêchées de penser, vivant dans une apparente félicité, le sourire aux lèvres, acceptent cette privation de la personnalité.
Le regard que porte Mungiu sur cette communauté n'est pas caricatural ou bêtement anticlérical. Le père - ici, il est orthodoxe parce que nous sommes en Roumanie, mais il pourrait être catholique en France, protestant ailleurs…- n'est pas un tyran violent qui tirerait des bénéfices de son autorité, ou un imposteur cachant quelques sombres secrets, et les sœurs restent là de leur plein gré, même si pour la plupart d'entre elles, le retour à la vie normale serait particulièrement compliqué, socialement et financièrement.
L'histoire qui vient bouleverser cet équilibre est inspirée d'un événement réel mais Mungiu va bien plus loin qu'une simple évocation des faits. En plaçant au centre du récit une jeune femme extérieure à la communauté religieuse et désirant ramener à la (vraie) vie l'une des sœurs dont elle est amoureuse depuis longtemps, c'est bien d'une confrontation entre le spirituel et le sensuel qu'il s'agit, entre d'une part une élévation qui n'a aucun sens pour celui qui ne croit pas et d'autre part un ancrage dans le réel, un amour de chair et d'os, basé sur l'échange des mots, des idées, des pensées, des gestes, des corps… Mungiu se situe clairement de ce côté-ci, il est avec l'intruse et pourtant il n'en fait ni une victime innocente ni un personnage qui détiendrait la vérité. Elle ne brille pas par sa douceur, sa délicatesse, son réconfort, son sens de la mesure, au contraire des sœurs et particulièrement celle dont elle est amoureuse.
Mais en prenant son temps (deux heures trente !), le réalisateur parvient à faire sentir toute la complexité des rapports entre les personnages, confirmant son incroyable sens de la mise en scène, avec des groupes filmés comme des tableaux, magnifiquement éclairés et d'une vie intérieure bouillonnante. Toutes les actrices (et l'acteur aussi) sont complètement investis, d'une vérité criante, bien loin, très loin du jeu chichiteux de bon nombre de comédiens d'un cinéma plus occidental, mieux reconnu et pourtant tellement moins marquant…
Un film magnifique, dont les images restent longtemps en mémoire, mais qui n'est probablement pas à conseiller pour ceux qui viennent chercher du divertissement léger au cinéma.

Pas encore de commentaires pour ce film

 

Envoyez votre commentaire