Au bout du compte, on ressort
avec la nette impression d'avoir été nourri, choyé,
pris pour autre chose qu'un imbécile gobeur d'images ou d'idées
toutes faites.
Chaque personnage de ce film choral a son importance et sa personnalité,
chacun évolue en fonction des situations et des échanges
avec les autres, cela ressemble à la vraie vie, en somme.
La compréhension, ou bien ce par quoi on est touché,
varie selon sa propre histoire, son humeur du moment, son attention
particulière. Quand l'un retiendra que l'amour et les fantasmes
qui l'accompagnent empêchent souvent de vivre sa vie, l'autre
sera ému par les mots, ceux qui font du mal alors qu'on les
a lancés sans les maîtriser, comme on fait un geste
maladroit. J'ai dit ça ? Mais ça n'est pas ce que
je voulais dire, c'est comme si j'avais posé mes clés
dans le frigo à côté du beurre… les mots
qui changent une vie, d'abord par hasard ou par micro variations
puis qui peu à peu envahissent tout, modifiant les pensées,
les gestes, les choix, minimes ou cruciaux.
Le scénario est formidablement dense, alors qu'en fin de
conte, il n'y a pas tant d'évènements. Mais le récit
fourmille de détails, de dialogues, d'échanges muets,
de revirements, de révélations, de clins d'œil
du destin. C'est drôle et émouvant, chacun y voit un
parallèle avec un aspect de sa propre vie.
Bien sûr Bacri fait du Bacri, Jaoui du Jaoui, et les autres
gravitent autour en s'opposant ou en s'unissant…(mention spéciale
à Agathe Bonitzer qui de film en film impose sa personalité
si particulière)
Tous comptes faits, il n'y a pas de morale, pas de bon mot pour
finir, pas de réconciliation générale, pas
de chorale généreuse ni de dynamitage d'idées
reçues. Juste des personnages qu'on a suivis avec bonheur
puis qui s'en vont continuer leur vie, avec un peu d'expérience
en plus, des souvenirs à garder ou à effacer.
Pendant la projection, on est touché, amusé, meurtri
parfois. On aurait envie de revoir les scènes, faire une
pause, noter les répliques, en parler avec sa voisine, puis
s'y replonger avec délice et peut-être aussi une pointe
d'inquiétude.
Continuez, les Jabac, à parler de vous et de nous, à
raconter comment vont les sentiments, à nous aider à
prendre du recul face aux choses de la vie.