Il y a donc un autre cinéma
iranien que celui, austère et parfois opaque, de Kiarostami.
"A propos d’Elly" a quelque chose à voir avec
le théâtre, tourné presque entièrement
dans un lieu unique, avec des acteurs suivis au plus près par
une caméra très mobile, épousant le rythme contrasté
des sentiments et de l’action psychologique. Un mystère
et des mensonges relient les personnages entre eux, formidables dans
la succession de scènes très étudiées
malgré une apparence d’improvisation.
Le film est assez surprenant, pas exactement le reflet de l’idée
qu’on peut se faire de jeunes adultes iraniens. La bande d’amis
que l’on découvre au début pourrait être
aussi bien française ou américaine, seules les têtes
couvertes des femmes rappellent que l’on est en terre d’Islam.
Lorsque le récit se tend, l’ambiance s’électrise
et même si les idées de mise en scène pour rendre
compte des tensions et des différents points de vue paraissent
un tout petit peu convenues, lorgnant sur le cinéma indépendant
occidental branché, l’efficacité est au rendez-vous,
le film est terriblement prenant, allant à l’essentiel
et cela sans autre musique (si ce n’est une déchirante
plainte au violon sur le générique de fin) que le bruit
incessant des vagues, participant à l’impression d’angoisse,
d’enfermement (entre la grille en fer de l’entrée
de la propriété et le mur d’eau formé par
la menace de la mer).
Même si l’on a plus l’impression d’une troupe
de comédiens que d’un assemblage d’individualités,
un visage sort du lot, une personnalité puissante. Golshifteh
Farahani, jouant le rôle complexe de Sepideh, est pour beaucoup
dans la réussite du film. Avec peu d’effets, son jeu
subtil, très naturel, donne une grande crédibilité
à sa force pleine de failles.