Ça déménage,
ça fonce pied au plancher, les images sont crues, choquantes,
politiquement très incorrectes dans ce monde de plus en plus
prude, mais pas si rares. Le scénario semble, au début,
prendre la direction d'un Pretty Woman trash et provocateur.
Puis, pas tout à fait d'un coup mais presque, l'histoire
bascule vers quelque chose de beaucoup plus surprenant, baignant
dans un mélange réjouissant d'absurdité, d'humour
ravageur (la façon dont le pope quitte la cérémonie
du baptême est ahurissante) et de tragédie. On se met
à entendre les dialogues, à goûter aux situations
à la fois drôles et désespérantes, parce
que le récit prend enfin son temps, pour notre plus grand
bonheur. Anora (le personnage) gagne en profondeur, en consistance.
L'intrigue devient sociale, presque politique. Sean Baker nous emmène
ailleurs : en rhabillant Anora, il lui donne un aspect revendicatif,
elle est peu à peu porteuse des révoltes de classes,
forcément vouées à l'échec, quoique...
L'actrice qui l'interprète est stupéfiante d'énergie,
de naturel, jouant la superficialité, la colère, la
détermination avec une luminosité incroyable, et parvenant
à montrer en même temps, une joie furieuse et une mélancolie
terrible, jusqu'à un dernier plan bouleversant.
