Mia Hansen-Love est à elle
toute seule comme la cristallisation de l’incompréhension,
de la divergence de vues entre les critiques professionnels et une
très large partie du public. Inlassablement, les premiers écrivent
dans des journaux bien-pensants tout le bien qu’ils pensent
de cette jeune réalisatrice qui en est (déjà)
à son troisième film. Et tout aussi régulièrement,
le public (une grande partie) trouve cela plat, mal joué, inintéressant,
en dehors de la réalité.
Pour les deux premiers, "Tout est pardonné" et "le
père de mes enfants", j’étais largement du
côté du public le plus large, et je ne sais pas encore
ce qui m’a fait aller voir ce troisième chapitre de la
trilogie (puisque trilogie il y a). A l’issue de la projection,
mon curseur personnel s’est déplacé… Certes,
les acteurs ne sont toujours pas dirigés, l’aspect schématique
du récit empêche encore une bonne part des émotions
de se manifester, mais cette fois-ci, il y a quelque chose, peut-être
est-ce enfin une certaine maîtrise du temps, des scènes
contemplatives mais pas vides, beaucoup de silence à la place
des mots, un langage des corps, une signification des lieux, sans
doute autre chose d’indicible, comment savoir… il y a
une vibration, pas encore vraiment de quoi toucher le cœur au
plus profond, non, juste des impressions qui sonnent vrai, qui donnent
une idée de l’amour, de la difficulté d’aimer,
et cela malgré l’aspect très construit (deux personnages
sont architectes…) du scénario, à tel point que
les critiques et même la bande annonce racontent l’histoire
d’un bout à l’autre, comme si celle-ci n’avait
finalement pas d’importance ; seules compteraient la structure
et la façon dont les personnages se débattent avec leurs
sentiments à l’intérieur de ce carcan théorique.
On peut à nouveau rester en dehors de cette approche, ne pas
aller au delà du jeu volontairement plat des acteurs, refuser
d’écouter ce qui se dit parce que non, vraiment, ça
ne se dit pas dans la vraie vie… On peut aussi se laisser aller,
tomber sous le charme ensoleillé de la nature ardéchoise,
puis glisser dans les rues parisiennes, y trouver une certaine fluidité,
se dire en fin de compte que le discours sur l’amour n’a
pas tant d’assurance que ça, qu’il pose plus de
questions qu’il n’apporte de réponses toutes faites.
Pour ces doutes, ces instants suspendus, ces mots qui s’échappent,
ces mots qui ne sont pas dits, pour tout cela, on peut se dire que
Mia Hansen-Love est en train de devenir une cinéaste.