Lorsqu'à la fin d'un film,
le spectateur comprend que tout ce qu'il a vu est un mélange
de rêves, de fantasmes et de réalités, il peut
avoir une très grosse envie de tout jeter, même si
la mise en scène a des atours plutôt plaisants. Le
récit imaginé par Ozon, d'après un roman de
Joyce Carol Oates, installe une ambiance trouble, où tous
les personnages sont susceptibles de cacher quelque chose de leur
vie. Il y a quelque chose d'assez réjouissant dans l'installation
de l'intrigue, ses tiroirs, ses mystères… Bien sûr,
on sent bien qu'on nous dissimule des éléments essentiels
de la vie des personnages, qu'on nous fait passer des étrangetés
pour des évidences (et vice versa), mais on est chez Ozon,
et cela est une habitude chez lui. On savoure, donc. Parfois avec
aigreur, car ce qui est montré ou suggéré est
parfois un peu difficile à avaler. Jusqu'à une certaine
forme de dénouement, qui relativise tout, qui peut transformer
tout ce que l'on a pu voir en son contraire, ou en une toute autre
histoire… c'est trop facile. Bien sûr le cinéma
permet ce type d'entourloupe, et lorsqu'on sort, par exemple, d'Usual
Suspects, on est ravi. Conscients de s'être fait rouler
dans la farine, mais ravis. Ce n'est pas le cas pour cet amant
double, qui multiplie les points de vue, non pas de protagonistes
différents, mais ceux d'un même personnage, conscients,
inconscients, déformés, imaginés… sans
que jamais on ne puisse faire la distinction entre eux. Une sorte
de jeu de dés pipés qui finit par profondément
agacer.