Il y a comme une gêne constante tout au long du film, sans doute
due aux nombreuses provocations plus ou moins discrètes, comme
un catalogue des situations les plus rarement rencontrées au
cinéma. Il y a d’abord cette cité improbable,
qui ne semble habitée que par des familles noires et des vieux
blancs. La canicule (on est en 2003, c’est l’été)
et les couleurs saturées à dominante jaune font bien
évidemment penser à l’Afrique. Et ces vieux blancs,
lourds, un peu visqueux, sont posés comme des colons décadents,
proches de la déchéance, mais du fait de leur situation
d’assistés, encore maîtres, et tous les autres,
malgré leurs trafics, encore esclaves.
Sur cette base malsaine et donc fort intéressante, se greffent
des situations ambiguës, déstabilisantes : conflits familiaux
violents, contournements des lois, rapports pervers entre les personnages…
Le vieillard joué par Claude Rich est ainsi particulièrement
trouble, on le pressent au début comme un gentil petit vieux
inoffensif, et il se révèle finalement d’une rare
violence morale.
Malgré l’accumulation qui tend à tuer le propos,
toutes ces ambiguïtés, incertitudes sur les évènements
étranges de la cité, pourraient donner lieu à
une tragi-comédie moderne, et l’on pense bien sûr
plusieurs fois à Kechiche et à son splendide "la
graine et le mulet". Mais l’interprétation outrée,
dépassant largement le sur-jeu (sauf Claude Rich, bien sûr),
donne à l’ensemble l’impression qu’on force
le spectateur à s’émouvoir, sans succès.
Felicite Wouassi, tenant le rôle principal, est horripilante,
voix sans cesse au bord de la rupture, regards vides de sens à
force de vouloir trop en dire, la niaiserie n’est pas loin,
on est en tout cas très éloigné de la précision
fabuleuse de la direction d’acteurs de Kechiche.
Au final, on sort assommé et passablement énervé
par ce film, foisonnant mais comme étouffé par ses propres
outrances.