Dans une atmosphère lourde,
grise, moite, avec un soleil qui réchauffe les corps mais pas
les couleurs, une petite fille et une jeune femme traînent leur
mal de vivre. Rien n’est véritablement expliqué,
on passe de l’une à l’autre avant leur rencontre,
étrange, mensongère mais déterminante, puis après,
lorsque chacune d’entre elles se confronte à l’incompréhension
des autres. Morcelé, parfois flou, s’attardant sur des
moments creux, le récit n’apporte que peu d’explications
aux pleurs, aux non-dits, à l’errance, à la quête
de l’une, à la fuite de l’autre… Tout est
dans l’ambiance hypnotique, oppressante, rêveuse. Les
personnages passent beaucoup de temps à somnoler, la torpeur
les envahit mais le spectateur, lui, reste bien éveillé
: l’image terne a sa propre beauté, intrigante, dérangeante
; la petite fille, au visage d’ange mais au regard parfois effrayant
participe aussi au sentiment de douce déstabilisation, d’apesanteur
absolument pas désagréable… On se sent probablement
plus proche de la jeune femme, qui ne comprend pas ce qui lui arrive,
et son entourage encore moins : on a sans doute tous vécu cet
état de fatigue et de déséquilibre, lorsque tout
semble vain, lorsque les larmes viennent sans raison véritable,
lorsque le corps lui-même lâche, comme défait…
et le regard des autres est alors insupportable, qu’il soit
bienveillant, ironique ou distant.
Le film est tout cela, une approche impressionniste d’un sentiment
diffus de lassitude, de mélancolie, d’éparpillement
de l’esprit. La façon dont la réalisatrice parvient
à distiller ces sentiments intérieurs est tout à
fait singulière, c’est une cinéaste à suivre…