Les espions au cinéma, c’est
vendeur. Suspense, montée d’adrénaline, histoires
d’amour impossibles, voyages exotiques, gags sur la chance ou
la maladresse des uns et des autres, cascades et poursuites en voiture,
efforts d’imagination pour cacher, subtiliser, faire passer
en douce des documents,.. c’est bien tout cela qui est attendu
dans ce type de film. Dans cette affaire Farewell, basée sur
des faits réels, il y a un peu de tout ça, à
dose homéopathique, ou bien de façon très affadie,
puisque l’un des deux espions, le Français, joué
(mollement) par Canet, est un amateur et qu’il est propulsé
dans cette histoire contre son gré ; il finit par jouer le
jeu, non pas par conviction ou pour une récompense financière,
mais parce que l’autre espion (le Russe, joué de façon
convaincante par Kusturica) lui est sympathique…
Il y a plusieurs raisons de trouver le film intéressant, à
défaut de lui trouver un peu d’émotion…
Historiquement, la guerre froide est un sujet finalement peu traité
par le cinéma "sérieux", on voit Reagan et
Mitterrand, (mal) joués par des acteurs leur ressemblant vaguement,
cela permet de confronter ses souvenirs ou l’idée que
l’on s’en fait à cette vision un peu figée,
mais qui a le mérite d’exister.
Les stratagèmes pour faire passer les documents d’un
pays à l’autre étant secondaires, et visiblement
pas du tout au centre des intérêts du réalisateur,
on s’attache à la personnalité des deux espions.
Le Français, à priori, était le plus intriguant,
avec comme question centrale, le pourquoi et le comment un ingénieur
sans histoires et sans convictions devient la "source" d’une
énorme affaire internationale. Las, soit Guillaume Canet ne
parvient pas à rendre le personnage intéressant, soit
celui-ci ne l’est pas, tout simplement. Le Russe, doux exalté,
visionnaire poète un peu cynique, interprété
finement par Kusturica, emporte le morceau en composant un type attachant,
au caractère contrasté, souvent surprenant. C’est
lui et lui seul qui fait avancer et rebondir le récit, c’est
sur lui que repose l’architecture complexe des sentiments entre
les différents protagonistes.
Cela ne suffit pas à transfigurer le film et à le rendre
passionnant, mais c’est tout de même par lui que l’ensemble
se tient, de façon honorable.