Un couple qui se sépare,
ça n'est pas nouveau, ni dans la vie, ni au cinéma.
Par écrans interposés, c'est moins courant. Quoique.
Ça pourrait le devenir (courant).
Ils sont sympas, Yuval et Julie. Ils s'aiment, ils s'aiment tellement
qu'ils ont fait un bébé, ils ont même décidé
qu'ils allaient vivre ensemble, en France, même si Yuval est
israélien et que toute sa famille et ses amis sont à
Tel Aviv. C'est pas rien, comme preuve d'amour.
Yuval a commencé à faire les démarches en Israël
pour obtenir un visa qui lui permettrait de s'installer avec Julie,
en France. Lorsque le film les cueille, ils sont loin l'un de l'autre,
se font du plaisir par Skype, et ne peuvent pas se passer l'un de
l'autre, leurs écrans sont allumés en permanence,
on voit le bébé (qui est avec Julie) qui passe de
temps à autre dans le champ de la caméra… Et
puis le récit raconte les fissures dans le couple, puis les
engueulades, les écrans qu'on éteint, puis les béances
et tout ce qui s'ensuit.
La séparation, inéluctable, est-elle due à
ces satanés écrans, à leur mauvaise utilisation,
à la fausse proximité qu'ils sont censés apporter,
à la disponibilité obligatoire de l'un quand l'autre
appelle ? Ou bien à la différence de culture, de façon
de vivre, de manière d'être avec ses amis, d'élever
son enfant ? Est-ce la faute des mères ? Ou bien c'est le
travail (ou l'absence de travail) qui crée les premières
fissures ? Tout cela n'est pas très clair, ni dans le film,
ni dans la vie. Mais ici, les écrans prennent une place démesurée.
Chaque plan du film est ce qui est vu par l'un ou par l'autre sur
son ordinateur ou son portable. Ce qui semble être un pari
intéressant au début, un choix formel radical, devient
assez vite enfermant, n'enrichit pas le propos, le cantonne à
l'incommunicabilité comme seule raison d'éloignement
progressif. Comme si le couple n'était vu que sous cet angle-là.
La magie d'un mouvement de l'air, du grain de la peau de l'autre,
de la qualité d'un silence, tout cela n'est plus. Plus possible.
Une dernière séquence en flash back casse enfin la
forme, et soudain l'absence des écrans devient libératoire,
comme une preuve magistrale que faire un film entier par prises
de vue de webcam était voué à l'échec.