A cœur battant

Keren Ben Rafael

L'histoire

Julie et Yuval s’aiment et vivent à Paris. Du jour au lendemain, ce couple fusionnel doit faire face à une séparation forcée. Lui à Tel Aviv, dans sa ville natale, elle à Paris avec leur bébé, ils continuent à vivre ensemble mais par écrans interposés. Cette vie par procuration va vite connaître ses limites.

Avec

Judith Chemla, Arieh Worthalter, Noémie Lvovsky

Sorti

le 30 septembre 2020


La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

Ecrans fatals

 

Un couple qui se sépare, ça n'est pas nouveau, ni dans la vie, ni au cinéma. Par écrans interposés, c'est moins courant. Quoique. Ça pourrait le devenir (courant).
Ils sont sympas, Yuval et Julie. Ils s'aiment, ils s'aiment tellement qu'ils ont fait un bébé, ils ont même décidé qu'ils allaient vivre ensemble, en France, même si Yuval est israélien et que toute sa famille et ses amis sont à Tel Aviv. C'est pas rien, comme preuve d'amour.
Yuval a commencé à faire les démarches en Israël pour obtenir un visa qui lui permettrait de s'installer avec Julie, en France. Lorsque le film les cueille, ils sont loin l'un de l'autre, se font du plaisir par Skype, et ne peuvent pas se passer l'un de l'autre, leurs écrans sont allumés en permanence, on voit le bébé (qui est avec Julie) qui passe de temps à autre dans le champ de la caméra… Et puis le récit raconte les fissures dans le couple, puis les engueulades, les écrans qu'on éteint, puis les béances et tout ce qui s'ensuit.
La séparation, inéluctable, est-elle due à ces satanés écrans, à leur mauvaise utilisation, à la fausse proximité qu'ils sont censés apporter, à la disponibilité obligatoire de l'un quand l'autre appelle ? Ou bien à la différence de culture, de façon de vivre, de manière d'être avec ses amis, d'élever son enfant ? Est-ce la faute des mères ? Ou bien c'est le travail (ou l'absence de travail) qui crée les premières fissures ? Tout cela n'est pas très clair, ni dans le film, ni dans la vie. Mais ici, les écrans prennent une place démesurée. Chaque plan du film est ce qui est vu par l'un ou par l'autre sur son ordinateur ou son portable. Ce qui semble être un pari intéressant au début, un choix formel radical, devient assez vite enfermant, n'enrichit pas le propos, le cantonne à l'incommunicabilité comme seule raison d'éloignement progressif. Comme si le couple n'était vu que sous cet angle-là. La magie d'un mouvement de l'air, du grain de la peau de l'autre, de la qualité d'un silence, tout cela n'est plus. Plus possible.
Une dernière séquence en flash back casse enfin la forme, et soudain l'absence des écrans devient libératoire, comme une preuve magistrale que faire un film entier par prises de vue de webcam était voué à l'échec.

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