Boursoufflé, lourd, parsemé
de personnages inutiles (le maire…) et de scènes comiques
incongrues (les commerçants chinois…), c'est un mélo
un peu raté, au scénario improbable et peu crédible,
avec un Poelvoorde qui en fait des tonnes face à trois comédiennes
(Deneuve, Chiara Mastroianni et Charlotte Gainsbourg) qui ne se
renouvellent pas et semblent sorties de films que l'on a déjà
vus. Et pourtant… pourtant ça fonctionne. L'émotion
prend aux moments où l'on ne s'y attend pas. La famille des
deux sœurs n'est pas particulièrement chaleureuse, mais
quelque chose d'impalpable se passe entre les actrices, quelque
chose qui rend crédible leurs regards, leurs échanges
et leurs étreintes. Et là, dans les yeux de Charlotte,
tout d'un coup, on sent une telle détresse et tout ce qui
ne se dit pas passe à l'écran, Chiara ne retient pas
ses larmes, Deneuve fait semblant de ne pas comprendre, et nous,
spectateurs, on est à leur table, et on se dit, putain c'est
ça aussi le ciné, être emporté par des
riens…
Benoît Jacquot laisse du temps aux scènes, et puis
soudain accélère, il y a un vrai rythme, l'urgence
(urgence de l'amour, des retrouvailles, de la fuite…) succède
au calme d'un instant suspendu, une grâce qui se prolonge,
baignée de lumière… au loin on entend des enfants
jouer, le bruit de la rue ou les craquements d'une maison.
Difficile de comprendre pourquoi, là, on voudrait que cela
ne s'arrête pas. Et puis vient la fin du film, un peu bizarre,
après un plan sublime sur le visage de Charlotte (apaisée
? soulagée ? épuisée ? défaite ? tout
peut se lire à ce moment-là), un retour en arrière,
et si le temps n'avait pas fait son œuvre, on peut alors imaginer
un autre récit, plus doux, dont on n'a pas vraiment besoin.
Mais c'est bien cela, ces 3 cœurs, pleins de fêlures,
quelque chose de vraiment bancal et un peu raté et pourtant
le mélo vous le prend, votre cœur…