38 personnes témoins d'un
crime dans la nuit, certes de loin et pour la plupart n'ayant rien
vu mais toutes ayant été réveillées
par les cris. Au matin, personne n'a rien vu, rien entendu. 38 lâches
et coupables de non assistance à personne en danger, ou bien
juste des individus qui n'ont pas bien jugé la situation
?
Le scénario est absolument passionnant, portant sur la responsabilité
collective, la culpabilité individuelle, le pardon ou son
impossibilité. Les personnages portent chacun un poids infini,
ne sont pas figés, ils hésitent, se contredisent,
aucun n'a vraiment tort, aucun n'a complètement raison, les
questions affluent tout le long du récit, qui a le grand
mérite de ne pas donner de réponses toutes faites.
Au final, il reste des zones d'ombre importantes, des débats
non tranchés, des soulagements pas complètement assumés,
des regrets et des remords pleins de doutes. Le scénario
ne juge pas, certains personnages le font, d'autres pas. Au spectateur
de trouver son point de vue, ou bien pas : il peut aussi rester
dans l'interrogation, et quoiqu'il arrive c'est bien la réaction
dans une véritable situation de cet ordre qui compte, pas
ce qu'on pense faire si cela arrivait. Il est très facile
de dire "je serais intervenu, j'aurais appelé, j'aurais
fait ceci ou cela…" C'est au moment où les choses
arrivent que l'on sait ce qu'on est capable de faire, ou de ne pas
faire.
La mise en scène et la direction d'acteurs peuvent surprendre.
Lucas Belvaux n'a sans doute pas demandé un jeu naturel.
Les dialogues sont très écrits, l'intérêt
est dans ce qui se dit, non pas dans la façon dont les choses
sont énoncées. L'utilisation des décors, intérieurs
et extérieurs, donne aussi une étrange impression
d'irréalité, comme au théâtre. On est
loin d'un aspect documentaire, le côté schématique
ou théorique est mis en avant. On peut trouver cela désincarné
et pesant, ou bien au contraire donnant la distance nécessaire
pour supporter l'ambiance oppressante. Quel que soit le ressenti
du spectateur, c'est un choix de la part du réalisateur,
un point de vue venant de quelqu'un qui a quelque chose à
dire et à montrer, qui questionne, qui met le spectateur
dans une position de citoyen capable de réfléchir.
C'est loin d'être le cas de tous les films abordant un problème
de société.