Qui aurait parié sur un
tel récit ? Une mère un peu désemparée
face à son fils adolescent demande à deux jeunes femmes
de l'aider pour éduquer ce tout jeune homme qui se fait des
idées sur la féminité, et le monde tel qu'il
va… Mike Mills est non seulement le réalisateur de
ce bijou d'intelligence mais aussi le scénariste. Et l'on
comprend vite que lui seul avait les clés pour rendre passionnante
cette histoire d'initiation, formidablement drôle et émouvante.
Annette Bening joue le personnage de la mère, Dorothea, et
c'est peut-être votre propre mère (et vous avez une
chance inouïe), c'est peut-être votre sœur, votre
meilleure amie, vous-même ou quelqu'un que vous n'avez encore
jamais rencontrée. Elle pose des questions, aux autres et
à elle-même, essentielles, futiles et vitales à
la fois. Elle n'est jamais tout à fait prévisible,
protectrice et pourtant laissant une liberté incroyable à
son fils. Cherchant à lui donner les racines et les ailes,
mais sans jamais être moralisatrice, réagissant avec
son cœur. On voudrait la connaître, l'inviter à
dîner, en faire une amie. Le film repose sur elle, bien sûr,
mais il a aussi d'autres multiples qualités. Les deux jeunes
femmes qui s'occupent de l'éducation du fils n'ont rien d'attendu,
elles non plus. Pleines de contradictions, éminemment vivantes,
lumineuses sans occulter la mélancolie. Les trois femmes
ne représentent pas tout à fait trois générations,
elles pourraient le faire mais elles sont juste des femmes crédibles,
profondément elles-mêmes, absolument pas schématiques.
Féminines non pas par leur apparence, mais par leur intelligence,
leur force fragile, leur charme qui n'appartient qu'à elles.
Tour à tour merveilleuses, drôles, douces, percutantes,
agaçantes, elles doutent, elles foncent, elles divaguent,
elles vous emportent, elles vivent.
Et l'ado ? L'ado survit, il fait même mieux que ça.
Il ne fait rien comme un ado de cinéma. Et c'est pour ça
qu'on y croit.
Le film est bourré de trouvailles de mise en scène,
d'accélérations, d'instants de contemplation, il y
a même quelques faiblesses et facilités qui lui évitent
le triste rôle de film parfait.
Il y a aussi la musique, et dire que je pensais ne pas aimer la
musique de ces années-là (70-80, en gros). Et puis
les petits mensonges, les jeux de regards, la tendresse des uns
envers les autres, quelque chose qui vous fait aller mieux en sortant
du cinéma.