Y a-t-il vraiment besoin, au
cinéma, d'inventer une histoire pleine de rebondissements
et de personnages attachants pour émouvoir au plus profond
? Ce qui nous est donné à voir et à entendre
dans ce documentaire, ce sont des tranches de vérité,
les unes derrière les autres, révélant plus
de failles du système de santé et de ses à-côtés
judiciaires que d'éléments de bien être apportés
aux patients. Et les personnes à l'écran, folles ou
pas, sont bien des personnages de cinéma. Cela a beau être
un documentaire, il y a une émotion terrible qui se dégage
de ces quelques scènes. D'un côté, des individus
atteints de troubles psychiatriques, légers ou lourds. De
l'autre, des magistrats à l'écoute des patients. Ils
ne sont pas médecins et le répètent souvent,
ils sont parfois effarés mais le montrent le moins possible.
Tout l'intérêt du film réside dans ces confrontations,
non pour le très léger suspense qui pourrait parfois
s'instaurer (les patients auront-ils gain de cause, obtiendront-ils
ce qu'ils viennent tous ou presque chercher : l'arrêt de leur
internement), mais parce qu'elles reflètent le désarroi
humain face à la perte de la raison.
Désarroi des juges et des avocats qui écoutent avec
bienveillance mais celle-ci atteint très vite ses limites
: les juges semblent parler une autre langue que celle des patients,
même s'ils cherchent à se faire comprendre, ils paraissent
parfois débordés par les pensées désordonnées,
par les mots qui claquent ou s'égarent. Ils tentent de recadrer,
de reformuler, d'expliquer, en vain le plus souvent : ce ne sont
pas les mercis des patients qui clôturent presque toujours
les entretiens qui peuvent leurrer, les échanges sont le
plus souvent des communications échouées…
Désarroi des patients dans ces regards fixes, ces paroles
embrumées, ces réflexions délirantes et soudain,
au détour d'une question, une réplique cinglante et
terriblement censée et à cet instant, la citation
de Foucault mise en préambule apparaît dans toute sa
pertinence : “De l'homme à l'homme vrai, le chemin
passe par l'homme fou.” Oui, nous sommes, nous spectateurs,
du côté des magistrats, pleins de raison face à
la folie, mais nous sommes aussi, parfois, l'un de ceux qui ont
glissé et se sont mis en dehors de ce monde ultra normé.
La folie est terrible, parce qu'elle est potentiellement en chacun
de nous, elle ne déclenche le rire (et oui, parfois cela
fait rire) que pour éviter les pleurs et le désespoir.