- Tu sais ça,
toi ? J’ai vu un truc l’autre jour, j’y croyais pas,
et il paraît que c’est scientifique, on connaît le
monde entier par sept personnes interposées.
- C’est quoi ce délire, qu’est-ce que ça veut
dire, j’y comprends que dalle…
- C’est vrai que t’es bas de plafond, toi, faut tout t’expliquer
et pas qu’une fois. Accroche-toi, ça risque d’être
compliqué pour tes deux neurones qui se battent en duel quand
ils arrivent à se rencontrer.
- Bon ça va, accouche, c’est quoi ton truc, sept personnes,
ça fait pas le monde entier.
- Attends, j’t’éclaire. Voilà. Tu prends la
liste de toutes les personnes que tu connais, toi personnellement, même
un peu. Tes voisins, ta famille, tes amis, les blaireaux avec qui tu
bosses, les filles que t’as emmenées au cinéma.
- Ah ben y’en a pas mal. Faut que je compte aussi tous ceux que
je connais mais qui ne m’ont jamais vu ?
- T’es vraiment un gros naze, toi. Comment tu peux les connaître
si tu les as jamais vues ?
- Par exemple, je dis au hasard, enfin pas tout à fait au hasard,
je dis Cantona. Je l’ai vu jouer une fois au parc des princes,
un dieu ce mec-là, une vraie bête, une classe pas possible.
On peut dire que je le connais, mais lui, non, il m’a jamais vu.
Enfin si, il m’a vu, mais noyé dans la masse, tu vois,
au milieu de milliers d’autres dégénérés
comme moi, on gueulait Canto, Canto !…
- Tiens, voilà, tu commences à saisir. Non, celui-là,
Canto, tu le connais pas directement. Ceux que tu connais vraiment,
ceux qui comptent pour c’que j’t’explique, c’est
des gens avec qui t’as causé, qui sont capables de te reconnaître.
Je dis pas qu’ils vont tous te rouler un palot, mais bon voilà,
t’as des relations, vous avez pris l’apéro ensemble
au moins une paire de fois. Mais Canto, c’est un bon exemple pour
la suite, tu vas voir.
- Mais je le connais, ou pas ?
- Tu le connais, mais par personnes interposées. Attends, je
continue, tu vas saisir. T’as donc ta liste de gens connus personnellement.
Et t’imagines maintenant tous ceux que eux, ils connaissent. Chacun
d’eux. Toi, déjà, t’en as un paquet, de personnes.
Et bien ces personnes en connaissent aussi un sacré paquet.
- Ouais, pas toutes. J’ai mon voisin, il voit personne. Il sort
jamais, il a pas d’amis, il est comme un cul-terreux dans son
appart.
- Mais tu m’embrouilles, là. Lui, peut-être qu’il
a pas de relations, mais t’en as d’autres qu’ont des
carnets d’adresses gonflés comme les seins de Sophie Marceau.
- Ah ouais, ça fait rêver, ça.
- Bon, alors, tu vois, tous ces gens qui en connaissent d’autres,
et bien, on continue, t’imagines que tous ces gens connus par
ceux que tu connais, et bien eux aussi, ils en connaissent du monde.
- Ah ouais, mon pote qu’est à Paris, il a un ami, un vrai,
quoi, ils font des fêtes ensemble… et bien cet ami-là,
il est sorti avec une fille qu’était dans le même
bahut que le fils de Sarko.
- Et ben voilà, t’as compris. On peut dire que tu connais
donc Sarko par, attends je compte, ton pote, son ami, son ex-copine,
le fils et Sarko, ça fait quatre personnes interposées.
Et peut-être qu’y a même des chemins plus rapides.
Je suis sûr que tu connais quelqu’un qui connaît le
maire, qu’est aussi député. Et par-là, ça
va plus vite.
- Ah ouais, t’as raison. En même temps, Sarko, j’en
ai rien à battre.
- Ouais, t’as raison, y m’fout les glandes, cet abruti.
Bon, mais voilà, t’as compris, c’est prouvé
scientifiquement qu’avec sept personnes interposées, on
connaît le monde entier. Et tu sais quoi ? C’est pas les
personnes les plus connues qui sont les plus difficiles à atteindre,
c’est par exemple, je sais pas, moi, Bébert le paysan du
Caucase qui vit dans une ferme paumée dans la pampa et qui ne
voit que le marchand de bestiaux et encore, une seule fois par an.
- Ça m’étonnerait qu’un paysan du Caucase
s’appelle Bébert.
- Mais t’es une vraie courge, toi ! c’est un exemple, c’est
pour t’expliquer que pour les gens comme toi et moi, les chemins
sont plus longs que pour O’hara ou Michael Jackson.
- Ben Michael Jackson, faudrait connaître des gens qu’ont
des vers de terre dans leurs relations.
- Oh putain, c’est pas possible c’que t’es grave,
toi !
- Ouais, c’est pour ça qu’on me fréquente.
Et c’est qui, O’hara ?
- Ben, le président des ricains…
- Pas Ohara, Obama.
- Ouais, c’est pareil.
- Attends, ton truc, ça me donne une idée. Une putain
d’idée. Tu dis que les gens connus, c’est plus facile
à atteindre ?
- Ben ouais, c’est logique, c’est pour ça qu’ils
sont connus.
- Alors, une actrice, c’est facile à atteindre ?
- Sûr !
- Scarlett Johansson. MA Scarlett. Avec ton système, je connais
quelqu’un qui connaît quelqu’un qui connaît
quelqu’un qui connaît quelqu’un qui…
- Ouais, on a compris, à la fin, ça fait : qui connaît
Shirley Chewin-gum.
- Scarlett Johansson. Avec deux s à Johansson. On rigole pas
avec MA Scarlett.
- Non, on ne rigole pas. Ok mec.
- Bon. Si j’y mets du temps, et que je m’y prends bien,
si j’explore toutes les possibilités, je pourrai la rencontrer,
la voir en vrai, lui parler.
- …
- Et puis, avec mon physique de rêve, je l’emballe.
- …
- Ah, tu dis rien, j’te la coupe, t’y pensais pas, hein
? T’y as pas réfléchi, toi, avec ton idole, je sais
plus comment il s’appelle, le champion de taekwondo, l’africain…
- Daba Modibo Keïta, celui qui arrive à battre les coréens.
Non, mais c’est naze, oublie, j’ai dit qu’on connaît
le monde entier, mais c’est une image, un truc théorique,
c’est pas possible de remonter le chemin jusqu’aux gens,
ou alors complètement par hasard.
- Ouais, ben pas sûr. Je connais un mec, sa cousine est partie
s’installer au Québec. Il m’en parle souvent, il
paraît qu’elle s’éclate, là-bas. Déjà
avec elle, je m’approcherais, je franchirais l’Atlantique.
Cette cousine, elle doit bien avoir dans ses relations quelqu’un
qui fait du cinéma, ou qui livre des pizzas dans une boîte
de production.
- Mais t’es un rêveur grave, toi ! d’abord, le Québec,
c’est pas les Ricains, ils causent le français et encore,
pas comme nous.
- Ouais ça va, je suis au courant. Mais là, mon pote,
tu m’as mis ça dans la tête, tu me l’enlèveras
pas. C’est possible ou bien c’est juste pas impossible de
rencontrer Scarlett. MA Scarlett. Il suffit de le vouloir. Et moi je
suis comme une tornade, je vais au bout. Je lui parlerai, bordel.
- Et tu lui diras quoi quand tu seras devant elle ?
- Ben, qu’elle est belle, que j’ai toujours rêvé
de la rencontrer, que son regard, c'est à mourir...
- Ouais, ben avant que tu la trouves, faudra potasser ton discours,
parce qu’avec ça, ta rencontre de rêve, ça
risque de tourner au cauchemar. Bon, allez, mon pote, j’y vais,
j’ai autre chose à faire, moi. La prochaine fois, je réfléchirai
avant de te parler des trucs que je sais.
- C’est ça, salut. La prochaine fois, je te présenterai
Scarlett. T’imagines ça… Manu, voilà, c’est
Scarlett.
- Ouais, c’est ça, allez salut planeur. Tu m’f’ras
toujours rigoler, toi…