L'augmentation

Janvier 2013

Il s'est passé un truc…énorme.
C'était il y a maintenant une semaine, et ça a recommencé encore il y a trois jours. Il faut se le dire, il faut l'admettre, il est à peu près certain que cela va perdurer, de semaine en semaine… Bien plus gigantesque que l'inflation du prix du gaz. La baisse du pouvoir d'achat des enseignants peut elle aussi aller se rhabiller (pourtant, à ce propos, vous devriez consulter cet article,). La hausse des tarifs des péages autoroutiers, ridicule ! Le timbre pour envoyer une lettre qui passe de 60 à 63 centimes, du pipi de chat !
Je vous explique : tous les mercredis, je passe devant un kiosque à journaux, je prends l'officiel des spectacles, et je laisse mes 35 centimes d'euros au kiosquier. Parfois, je n'ai qu'une pièce de 50 centimes, j'attends alors la monnaie. Vous allez me dire, "à l'heure d'internet, il achète encore l'officiel des spectacles ? ce machin en noir et blanc, imprimé sur du mauvais papier, à peine lisible, qui indique les horaires des séances de cinéma pour ceux qui ont une TRÈS bonne vue et une longue pratique de la chose (quelques années, au bas mot)…?"

Oui, j'achète encore ce truc. Il se trouve que sans mes lentilles, ou en enlevant mes lunettes lorsque je ne les ai pas (les lentilles), je parviens à déchiffrer la "chose". Il se trouve aussi que j'en ai une longue pratique, on peut même dire, très longue. Et il n'y a pas que les horaires des séances de cinéma. Il y a aussi les expos, les théâtres, les concerts (le bonheur de constater que l'annonce du concert de Madonna au stade de France ne prend pas plus de place que celle d'un récital de contrebasse de Marcel Schmolblück à l'église des contrepets dans le XXIème arrondissement…")
(Non, Madonna n'a pas de concert prévu, c'est juste un exemple)
Bref, l'officiel des spectacles, c'est un rituel, une future madeleine de Proust, plus de 150 pages écrites tout petit à 35 centimes, ça ne se refuse pas.

 

Et donc… (vous voyez où je veux en venir), ce mercredi-là, c'était le 17 janvier 2013, je dépose une pièce de 50 centimes, je prends l'officiel, le kiosquier ramasse la pièce, et … c'est tout. Rien.
Petit regard. Qui ne dit rien, ou presque. Une lueur d'étonnement, genre, euh je vous ai donné 50 centimes vous allez me les rendre ces 15 centimes oui ou merde je sais c'est pas grand chose 15 centimes mais dans le temps qui n'est pas si vieux que ça c'était un franc et avec un franc bordel on en faisait des choses un franc cent balles quoi. Tout ça dans un regard. J'ai le regard qui en dit long. Et ouais. Depuis que je fais du théâtre… (en amateur, pas à la comédie française, pas encore) Et là, retour de regard, avec invitation à regarder la chose de plus près… Oh putain c'est pas vrai merde alors bordel à queue ! 50 centimes ! CINQUANTE CENTIMES !
Je m'en vais penaud, sans mes cent balles… Avec mon officiel qui vient de se prendre 42,8 % d'augmentation. Ouais je sais, je suis très fort en calcul mental, je ne suis pas maître d'école pour rien. 42,8 % d'augmentation ! Non mais c'est pas vrai ! Je m'attends à ce que le soir, ils en parlent à France Inter… Rien. Sur TF1 ? ben je sais pas, j'ai pas la téloche. Le lendemain à l'école ? Rien. Rien de rien. 42,8 % d'augmentation sans que personne n'en parle. Même en tapant dans Google, "augmentation du prix de l'officiel des spectacles", rien. Alors, "Officiel spectacles prix 50 centimes", rien. Je vous passe les recherches suivantes.
Le mercredi suivant, je me dis que c'était une blague, qu'ils vont avoir redescendu le prix, et bien… non. Toujours 50 centimes.
Onze ans que le prix n'avait pas changé, qu'ils disent en page 3, tout en bas.
"A titre de comparaison, en 1981, l'Officiel des spectacles coûtait 2 Frs (0,30 €), une baguette de pain coûtait 1,70 Frs et les journaux quotidiens coûtaient alors 3 Frs."
Et ben… La baguette coûtait moins cher que l'officiel. Vous imaginez, vous, une baguette à moins de 50 centimes d'euros ?

 

 

Pffff, tout fout le camp.
Un jour, on me dira qu'on a augmenté le salaire des maîtres d'école.
Ah non, ça, ça ne risque pas d'arriver…
Faut pas déconner, quand même…