VIRUS

Fukkatsu no hi – Virus – Day of Resurrection
1980
Réalisateur : Kinji Fukasaku

Marie A.


Suite à une discussion à « emails rompus » avec Al1, il m’a proposé d’en dire un peu plus sur un vieux coup de cœur cinéma, à mi-chemin entre la madeleine de Proust, Terminator et la quête du Graal d’une grosse fainéante.

Une quête c’est censé être un truc qui vous prend un temps fou, voire tout votre temps, et votre tête aussi, qui ne vous laisse pas en paix tant qu’elle n’est pas achevée ; qui vous obnubile en somme. Dans ce cas là, entendons nous bien, ma quête à moi, c’est plutôt les chemins de traverse, les hasards de la vie, une mémoire éléphantesque, une bonne étoile tenace et un sourire auquel on ne peut – décemment – pas résister.

Quant à la définition des coups de cœur, ça varie aussi pas mal. Il peut s’agir d’une musique qu’on entend par hasard à la radio et qui va vous trottez dans la tête tout le temps, un film qui va vous scotcher parce qu’il parle de vous (mais bon, vous avez remarqué comme tous les films tristes parlent de vous quand vous venez de vous faire lourder) ou au contraire parce qu’il parle des autres mais d’une manière inattendue qui vous ouvre des horizons, qui vous interpelle, en bref vous rend un peu plus humain. Mon attitude face aux coups de cœur ça a longtemps été de les prendre en pleine tête, les savourer, cohabiter avec eux, mais en aucun cas les divulguer. C’est en grandissant qu’on apprend doucement à les partager, à les faire vivre autour de soi, « allez quoi, lisez Baudelaire, allez voir Lost in translation ou La vie des autres, admirez les toiles de Vélazquez, écoutez l’adagio pour cordes de Barber ».
Mais les coups de cœur ce ne sont pas toujours des évidences. Il en va des coups de cœur comme des êtres humains, certains on les aime tout de suite et pour toujours, pour d’autres ça vient doucement, mais après ça vous hante et un jour ça devient une évidence, ce film, ce livre, cette expo, qu’on a vu un peu par hasard, ça devient un coup de cœur.
C’est un peu comme ça que ça s’est passé pour « Virus », film-coup de cœur, que j’ai vu une première fois par hasard un soir d’été désoeuvré à l’adolescence au début des années 80 et une deuxième fois, un peu moins par hasard toujours dans les années 80.


L’histoire est en apparence banale, très années 70, la mode des films catastrophes et la peur de l’apocalypse nucléaire dans un contexte de guerre froide, matinée d’un début de crainte relative aux armes biologiques. Les producteurs et le réalisateur ont fait le plein de noms célèbres et de têtes d’affiches internationales de l’époque (Glenn Ford, Georges Kennedy, Robert Vaughn, Chuck Connors, Olivia Hussey, Henry Silva, Sony Chiba, Bo Svenson, James E. Olmos …) pour s’assurer une bonne distribution. Eh oui, c’était bien nécessaire puisque l’originalité première réside dans le fait qu’il s’agit d’un film japonais et pas d’une grosse prod. américaine. L’objectif à la base était d’en faire un super méga production japonaise …. raté : le film le plus cher du cinéma japonais à l’époque n’a pas marché et les producteurs ont fait faillite. En même temps, ils ne l’auraient pas amputé de presque un tiers ça aurait peut-être mieux fonctionné, mais j’anticipe.


L’histoire, donc, est celle d’un virus, le MM8 08 dans la version française, produit par petits bouts (vous savez l’habitude de demander à des universitaires de construire une bombe ou une saloperie chimique, mais par petits bouts, on réfléchit à tel point ici, l’autre là et enfin dans un petit labo militaire pourri et caché on recolle tout ça) et qui est volé par un groupe dont on ignore tout, mais on s’en fout, ils vont mourir très vite, à Leipzig, Allemagne de l’Est (eh oui, c’est en 1980). Ce virus est inoffensif à -10°C, mais dès que la température monte, il débute ses ravages. A partir de +5°C, il devient incontrôlable, une sorte de virus de la grippe multiplié par beaucoup, qui mute constamment et pour lequel il n’existe aucun vaccin. Les méchants cités plus hauts et qui viennent de le voler vont scratcher leur avion quelque part sur une montagne. Le merdier démarre au printemps suivant quand la température grimpe.

Pour faire court : tout le monde est touché depuis l’URSS rouge et méchante, jusqu’à l’oncle Sam (qui est à l’origine du virus, ce qu’on comprend très vite), en passant par l’Europe occidentale jusqu’au Japon. On voit quelques scènes d’émeutes, des prises de bec au sein du bureau ovale (avec Robert Vaughn dans le rôle du sénateur qui avait prévenu tout le monde mais qu’on avait refusé d’écouter et Glenn Ford en président des Etats-Unis qui aurait voulu voir son nom dans les livres, mais pas pour ça), ça sonne assez juste si on est sensible à ce genre de thématique. Peu avant de décéder le président des Etats-Unis (ben oui, le soviet suprême lui, il est mort très vite, d’ailleurs on voit le téléphone rouge sonner dans la maison blanche pour prévenir … c’est si proche et si lointain de nous tout ça, ça fait bizarre d’ailleurs) reprend toutes les réflexions et se rappelle opportunément que si le virus n’agit pas à moins de -10°C et que tout ceci à débuté durant l’hiver austral, les braves scientifiques et autres tarés qui ont passé l’hiver en Antarctique sont les seuls encore à l’abri. Avant de mourir, il envoie un message à tout ce petit monde (853 hommes et 8 femmes) pour leur dire qu’ils sont désormais seuls au monde et que ce serait sacrément une bonne idée qu’ils soient moins cons que le reste de l’humanité qui vient de se faire décimer et qu’ils essaient ensemble de reconstruire quelque chose.


S’ensuivent les péripéties d’un tout petit groupe de rescapés face à la mort complète et totale de toute civilisation, la question de savoir si ça vaut vraiment le coup de vivre dans de telles conditions (je sais que ce n’est pas crédible, qu’aucun virus aussi féroce soit-il n’est efficace à 100%, mais le plaisir d’un film c’est aussi de faire semblant d’y croire), et avec notamment le fait qu’un nombre très réduit de femmes deviennent les seules clefs d’un futur possible, ou pas.

Comme ça ne suffit pas, l’un des héros du film, le chercheur japonais Yoshizumi (Masao Kusakari … beau comme un dieu… et malgré le fait que mon adolescence soit un très lointain souvenir, je continue à le penser) est un sismologue qui découvre que Washington va être soumise à un séisme de force « beaucoup ». On se dit qu’on s’en fout, ils sont très loin et il n’y a plus personne à sauver. Eh ben non puisqu’on découvre que ce séisme se situera près d’une plaque continentale quelconque et que l’amplitude pourrait être assimilée à celle d’une bombe nucléaire. Or en pleine guerre froide (malheureusement interrompue pendant un temps indéterminé pour cause de grippe) si une bombe tombe sur le Capitole, aussi sec un dispositif de riposte visant l’URSS se mettra en mouvement… lui-même suivi d’une riposte soviétique. Cela donne lieu à un savoureux échange où les membres du comité mis en place en Antarctique s’étonnent, regrettant cette apocalypse nucléaire, mais bon, ils ne sont pas vraiment concernés, ils sont loin de tout… jusqu’à ce que le représentant soviétique indique que, croyant à la présence d’une base espion américaine en Antarctique, l’une des bombes russes (pour ne pas répéter soviétique tout le temps et pour emmerder Poutine) est pointée sur leur petit havre de paix et de quiétude. Dit avec l’accent russe ça donne « Malheureusement pour nous, l’Amérique n’a pas le monopole de la connerie ».


Deux types vont partir pour essayer de désamorcer le système de riposte. Je vous épargne l’histoire sur comment un sous marin britannique est arrivé jusqu’à eux indemne et les emmène donc à Washington. Il s’agit de Bo Svenson (qui joue évidemment l’américain, vaguement espion – comme quoi pas si cons ces russes – bien blond, élevé au grains et physique d’athlète) et de mon joli japonais. Les femmes, les bébés et quelques membres d’équipages sont mis à bord d’un brise glace avec le médecin (un français, cocorico !) qui vient de trouver un antidote au virus. Comme Bruce Willis n’est pas au casting, fatalement, ça ne marche pas du tout et les bombes explosent.

A la fin, on voit le japonais en haillons (il était protégé dans le silo à Washington), avec une barbe de trois ans ou un peu plus parcourir ce qui reste du monde dévasté pour rejoindre les quelques survivants, dont Olivia Hussey (la plus belle Juliette qui fut, dans le Roméo & Juliette de Zeffirelli) dont il est amoureux.
Dans la version courte, il la retrouve et la fin peut être considérée comme relativement « optimiste », dans la version longue, il la retrouve aussi mais quelques plans larges supplémentaires vous collent un bourdon définitivement pas positif du tout.

Bien entendu, c’est plus complexe que mon petit résumé, les images de l’Antarctique sont superbes, les personnages plus profonds, les histoires, y compris le passé de certains est plus développé. Et surtout, surtout c’est particulier de sentir la vision de l’apocalypse non pas vu, comme d’habitude par le grand sauveur du monde j’ai nommé les States, mais par le seul pays qui sait quand même de quoi il parle quand il cause de se prendre quelques mégatonnes de petits trucs qui vous rendent brillants dans le noir sur le coin de la tronche. La guerre froide, le nucléaire, l’environnement vu par les japonais, eh bien c’est beau et flippant.


Petit détail : là je vous parle de la version longue, celle que vous n’avez sans doute jamais vue (et moi non plus en fait, jusqu’à il y a peu). Eh oui, une des raisons principales pour laquelle le film a fait un joli flop retentissant ce sont les coupes franches effectuées pour l’exportation. Il ne reste pas grand-chose de l’histoire du héros japonais avant le drame, alors que toutes ses attitudes sont des réponses à ce passé montré par flash-back. On ne garde que le côté grandiloquent, on fait l’impasse sur toute la partie qui se passe au Japon, bref on massacre le film et on en fait un mauvais produit américain de série.

Fin des années 80, je revois donc le film, version courte, un soir d’été et je plante lamentablement l’enregistrement sur une bonne vieille VHS. Mauvaise surprise lorsque le lendemain je découvre que j’ai l’intégralité d’une soirée spéciale Lio… chouette ! Je commence à chercher une copie dans quelques boutiques spécialisées, à me renseigner sur le réalisateur, les acteurs etc. Pas facile sans internet. Par le biais d’un ami très proche, je découvre Mad Movies, le magazine des fanas de « cinéma de genre » … genre séries b ou z surtout. Je me sens un peu moins seule et maboule d’aimer les films catastrophes et ceux qui font peur, il semblerait qu’on soit très nombreux. Je continue à guetter les programmes télés au cas où ça repasserait, j’en parle un peu autour de moi, via la rubrique courrier de Mad j’obtiens le nom du réalisateur, mais rien de plus.


Fin des années 90 (je suis aussi patiente et persévérante que fainéante) j’habite seule à Paris et je n’y connais quasiment personne. Je vois une pub pour une brocante de fans de ciné de genre organisée dans le 11ème un dimanche après midi. Je me dis pourquoi pas et je file prendre le métro. Un sourire plus tard, je franchis la porte sans payer de droit d’entrée (bon ok, ce n’est pas vrai, il est 16h, ça ferme à 17h, le type me fait juste une fleur). Je me balade entre les 25millions de cassettes de Bruce Lee et autres classiques de la Hammer ou de Romero. Par hasard je m’arrête à un stand et furète au milieu des piles de cassettes. Le type de l’autre côté me dit bonjour. Je suis polie, je réponds. On engage la conversation. Par hasard toujours, je lui demande s’il ne connaît pas un film qui s’appelle Virus (en tout cas en français) et qui raconte blabla … j’ai l’habitude des gens qui confondent avec un navet plus récent avec Donald Sutherland et Jamie Lee Curtis ou qui déclinent et là, miracle le type me répond que oui, oui ça lui dit vaguement quelque chose. Il n’a pas ça dans son stock, mais il devrait pouvoir me le trouver, il l’a vu dans un vidéo club près de chez lui. Evidemment je suis enthousiaste, mais je me méfie du possible dragueur à deux balles. Je lui file quand même mon numéro de téléphone, on ne sait jamais, et il promet de me rappeler dans la semaine.

J’en ai été quitte pour 50F (transformer ça en transaction financière était le meilleur moyen d’annuler toute velléité pour le jeune homme, célibataire, … il a dû le dire deux cents fois), deux cafés et une séance de cinoche tellement fantastique qu’à part le fait que Robert Englund (le gars des Freddy, cauchemar de la nuit) jouait dans le film, je n’en ai gardé aucun souvenir. Dès que j’ai récupéré la cassette, j’en ai fait quelques copies de sécurité au cas où et je l’ai bien entendu visionnée. Une ou deux fois… allez trois ou quatre, juré pas plus. Bon ok, demandez à ma douce moitié et il prétendra que beaucoup plus, mais il a un côté exagérateur « gars du sud » malgré ses ascendances teutonnes.

Fin du premier round.


Avec l’arrivée des dvd et surtout d’internet, je me suis demandé – surtout dans la crainte du jour où mon VHS rendrait l’âme – comment récupérer une copie dvd. Pendant un temps, ça n’a rien donné. Je n’avais que le titre en français, la jaquette du film était tellement pourrie que je ne connaissais pas le nom du réalisateur et les quelques essais en tapant le nom de divers acteurs ne donnait rien.

A force de persévérance (en fait, ça veut surtout dire de temps en temps, en fin de journée, quand présente au bureau je n’avais plus envie d’entamer un nouveau dossier, je me mettais à chercher sur le net) j’ai fini par tomber sur le nom d’un acteur japonais connu : Sony Chiba, abonné aux productions gros bras, karaté tout ça qui aurait joué dans Virus (enfin, joué est un bien grand mot … dans la version courte on doit le voir 35 secondes). J’ai remonté la pelote fil à fil et je suis tombée sur des forums de fans et autres doux dingues qui dissertaient sur les qualités respectives des versions courtes et longues. C’est là que j’ai compris que les raccourcis, les incohérences du film n’étaient pas (uniquement en tout cas) le fait d’un réalisateur paresseux. Désormais je connaissais le titre anglais « Day of Resurrection », la durée totale, le réalisateur etc. mais pas moyen de le récupérer, il n’avait jamais été réédité. En plus, la version dvd qui existait ne fonctionnait qu’en zone 1, donc pas possible de le lire en Europe. J’ai trouvé ça vraiment dommage, mais je me doutais bien qu’il n’était pas number one sur la liste des chefs-d’œuvre en péril et que les chances de le voir un jour sauvé par la cinémathèque nationale ou un truc du genre c’était plutôt zobi !

Fin du deuxième round. Désolée, vous en avez déjà marre, mais ce n’est pas encore fini.


Il y a quelques mois de ça, je recommence à jeter un œil sur internet et je découvre alors le titre japonais du film « Fukkatsu no hi ». A partir de là, mon chéri que j’aime file sur Amazon, Ebay et autres sites de vente et déniche une version disponible en Europe et director’s cut s’il-vous-plait !! Youppie alléluia. Il n’en dit rien et je découvre ça un soir en rentrant, il m’offre le dvd, un peu triomphant quand même et à la condition express bien sûr que je le regarde en son absence, pas fou le gars !!

Conclusions : mon chéri est vraiment un amour … et les mecs qui prétendent sur la jaquette que c’est la version longue sont de fieffés arnaqueurs, grrrr !

Piquée au vif, je décide alors que je la trouverai cette foutue version longue. J’y ai passé quelques heures, me suis trouvée fort dépourvue face à des idéogrammes dignes d’un Champollion moyen, visité quelques site de dingos qui préparent la fin du monde (essayer de taper : day of resurrection et vous verrez, c’est édifiant … palme d’or haut la main aux amerloques pour la parano), rigolé en découvrant des trucs que je ne savais même pas qu’on pouvait gâcher de la pellicule pour ça, mais j’ai finalement déniché MON film. J’ai ainsi trouvé un site où le film, tombé dans le domaine public, peut être téléchargé par petits bouts en format mpg. Il s’agit de la version longue en anglais avec les parties qui se passent au Japon en japonais … non sous-titrées. Il y aurait possibilité selon le gars qui a pris l’initiative (comme quoi il n’y a pas que moi qui suis dingo) de mettre ça à disposition, de bidouiller un truc pour récupérer des sous-titres anglais, mais ça dépasse largement mes capacités techniques.

Bien entendu, je me suis précipitée et j’ai regardé cette satanée version longue par petits bouts sur un écran d’au moins 12cm … eh ben, j’ai aimé !! Si, si, vraiment.


Pour ceux qui ont eu la patience infinie (y a personne ??? ah bon !) de subir cette quête jusqu’au bout voici l’adresse où vous trouverez ce film, qui n’est sans doute pas un chef-d’œuvre mais que j’ai aimé, qui m’a ému et foutu le bourdon :
http://www.archive.org/details/Virus_Fukkatsu_no_hi

Et si quelqu’un comprend quelque chose à la technique et qu’il arrive à en faire un dvd regardable, avec en plus des sous-titres pour la partie japonaise, eh bien je suis preneuse, je lui offre un café en vrai ou virtuel et je lui en serai éternellement reconnaissante.

Marie A.




Vos commentaires

En fait, c'est une histoire entre Olivia Hussey, ma mère, un certain Léonard et pour finir Virus.
Roméo et Juliette, c'est le film préféré de ma mère, pour des raisons qui sont un peu compliquées à dire : Roméo était joué par un certain Léonard et à l'époque, ma mère était amoureuse d'un Léonard. Et quand le Roméo et Juliette de Baz Lurhrmann est sorti beaucoup plus tard, avec Léonardo Di Caprio en Roméo, l'histoire avait failli recommencer, évidemment Léonard et Léonardo... Mais Copains d'avant n'existait pas, ou ma mère ne savait pas encore que ça existait...

Bon, j'ai montré cet article à ma mère, pour Olivia Hussey, et aussi parce que l'histoire de la recherche était bizarre et drôle. Et elle me dit, Virus, je connais. Elle l'avait vu à sa sortie, l'histoire l'avait marquée à un tel point que dans la famille, il s'était passé des discussions terribles. Ces discussions ont changé des choses de ma vie. Pas sur le moment, eh, j'étais pas née ! Mais après, avec l'éducation que j'ai reçue.

Cet article a permis d'en reparler... Merci à Marie A.

Laetitia J., décembre 2008